Un des problèmes majeurs de l’entreprise, c’est l’engagement de ses employés. Souvent, dans une entreprise, les gens sont motivés lorsqu’ils prennent un poste, mais rapidement de nombreuses contraintes et barrières les empêchent de mettre en oeuvre les bonnes idées qu’ils peuvent avoir. Rapidement, ils finissent alors par faire comme tout le monde, « faire leurs heures » et attendre de rentrer chez eux pour commencer leur vie.
Une entreprise libérée cherche à résoudre ce problème (et de nombreux autres, comme nous le verrons). C’est une entreprise dans laquelle les employés mettent en place tout ce qu’ils trouvent favorable au développement de l’entreprise, sans procédures asphyxiantes.
L’introduction a présenté quelque chose d’assez flou, voici quelques précisions. Le reste de l’article a pour but de préciser les motivations et l’état d’esprit d’une entreprise de ce genre.
Une entreprise libérée, c’est une entreprise qui a un certain nombre de croyances.
Début janvier, nous avons rencontré Alexandre, dirigeant de Chronoflex. Ils font du dépannage sur site de flexibles hydrauliques, 24h/24, 7j/7. Ca a pas l’air super sexy et pourtant, ce qu’il nous a présenté est à des années lumières de ce que l’on aurait pu imaginer d’une entreprise de ce genre. Il a parlé de son entreprise, sans langue de bois, en nous présentant ce qui marchait et ce qui ne marchait pas.
Créée en 1995, la vision initiale de l’entreprise fonctionne de 1995 à 2009. Pendant cette période, l’entreprise est en forte croissance (parfois, à 3 chiffres). C’est une boite jeune, où il fait bon vivre et où on s’amuse bien. En grossissant, elle finit par se structurer, comme partout ailleurs.
La croissance se fait pendant 10 ans. Avant, pas de recherche de rentabilité. Elle arrive à faire 22 millions d’euros de chiffre d’affaire, avec 250 personnes.
En 2009, la crise les frappe de plein fouet. Ils font -34% de chiffre d’affaire. Cette entreprise qui gère bien une période de forte croissance n’est pas faite pour encaisser une période de décroissance.
Deux rencontres, à quelques années d’intervalle, vont amener l’entreprise à se redresser.
La première, c’est de rencontrer le dirigeant de l’entreprise Favi, lors d’une conférence. Jean François Zobrist fait depuis des années des conférences où il incite les entreprises à dé-hiérarchiser, et à supprimer le contrôle et le remplacer par la confiance. C’est un personnage à la forte personnalité qui va lui faire prendre conscience qu’il faut changer des choses dans son fonctionnement.
Alexandre constate qu’il a fait deux erreurs :
Pour changer, ils ont silloné la France, armés de Post-it. Partout, ils ont discuté, échangé avec les différentes structures afin de reconstruire la vision de l’entreprise et les valeurs qu’elle porte. Il s’agit de définir, d’expliciter deux choses :
Une des premières questions pour laquelle ils ont cherché à trouver une réponse, c’est de définir, d’expliciter la vision et les valeurs de l’entreprise.
Ils ont trouvé quatre éléments de réponses :
Vous avez déjà essayé de marcher avec un caillou dans la chaussure ? On peut s’y habituer, mais c’est super pénible.
C’est pourtant ce qui arrive rapidement. Un ordinateur qui ne marche pas, du manque de matériel, des incidents récurrents, des procédures compliquées…
Un grand nombre de détails sont finalement des problèmes irritants qui deviennent parfois obsédants. En enlevant les cailloux, l’entreprise a permis à ses employés de se concentrer sur leur travail.
On a par exemple permit aux employés de faire du télétravail. Les études sur le sujet constatent qu’un employé en télétravail travaille 13% de moins en durée, mais est 22% plus productif. Il faut de tout pour arriver à un équilibre, mais permettre le télétravail lorsque l’employé le souhaite (pour ne pas poser une après midi pour en rendez-vous médical) ne doit pas être négligé.
Attention, n’abandonnez pas le travail sur site, en groupe. Il permet, lui, de stimuler les idées et la motivation. Si l’on prend l’exemple de qui veut gagner des millions, une étude a montré que l’appel à un ami gagne dans 64% des cas, alors que l’avis du public est bon dans 80% des cas. Ensemble, on ne gagne pas tout le temps, mais on gagne plus souvent que seul.
Il y a ainsi plus d’efficacités dans le collectif que dans quelques esprits aiguisés, ce qui peut être résumé par cette phrase : « Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin ».
Sans forcément faire attention, un certain nombre de choses étaient devenus des signes de pouvoir :
Afin d’arrêter de donner l’image selon laquelle les dirigeants détiennent plus la vérité que quelqu’un d’autre, ils ont changé un certain nombre de choses. Par exemple, les réunions du Codir sont devenues ouvertes à tous, ceux qui étaient dans les locaux pouvaient y venir. C’était déjà le cas avant, en fait : mais comme personne n’avait expliqué qu’on pouvait y venir, les gens étaient persuadés que c’était une réunion fermée. Le dirigeant a également arrêté de mettre un costume, et a arrêté de se garer devant l’entrée, pour montrer que la place qu’il occupait le plus souvent ne lui est pas attitrée.
En ce qui concerne à Internet, oles bloquages ont été supprimés. Oui les gens utilisent Internet pour leur usage personnel, mais le principe d’avoir confiance en ses employés, c’est d’accepter l’idée qu’ils soient capables d’en faire une utilisation raisonnée.
Quand aux postes à responsabilité, comme directeur marketing, ces postes ont deux composantes, une expertise opérationnelle et une composante décisionnaire. Ils ont supprimé le titre, gardé l’expertise opérationnelle et donné aux équipes la prise de décision (cela n’a pas toujours été bien vécu mais de l’accompagnement au changement a été proposé).
La seconde rencontre clé, c’est la lecture du livre Liberté et Cie. Cette étude analyse le fonctionnement classique des entreprises, et étudie surtout des entreprises qui ont choisi des fonctionnements alternatifs.
Ce livre propose une sorte de recette pour libérer l’entreprise :
Le but, c’est d’atteindre un vrai management participatif. Souvent, le management participatif classique consiste à demander aux gens leur avis, mais en ayant déjà plus ou moins le sien à l’avance, et ne pas modifier ses idées en fonction de celles des autres.
Le vrai management participatif se fait en deux temps :
Une étape essentielle, c’est le coaching, l’accompagnement.
La première personne qui doit changer sa vision, c’est le dirigeant. Elle doit se faire coacher.
Ensuite, les équipes, si elles souhaitent se remettre en question, doivent pouvoir se faire accompagner.
Les premières étapes de ce chantier ont eu lieu de manière sous marine. Il n’y avait pas encore de communication globale sur ce changement, pour pouvoir revenir en arrière si cela n’était pas une bonne solution.
Pendant 18 mois, des actions ont eu lieu mais il n’y a pas eu d’annonce. Les dirigeants et des équipes ont travailllé avec un coach pour désapprendre les croyances et travailler sur lui/elle. Beaucoup de lectures / coachs (Favi et Liberté & Cie).
Le saut en parachute, c’est le moment où il y a cette communication globale, après que l’on ai décidé que c’est la voie à suivre.
Saut en parachute, car comme ce sport, c’est un acte irréversible. Une fois qu’on a sauté, il n’est plus question de remonter dans l’avion.
Ils ont donc fait une réunion clé, où a participé toute l’entreprise. Ils ont décidé, en quelques heures, de transformer ce qui était devenu un porte avion lourd a manoeuvrer, en plusieurs speed boat, plus rapides et maniables.
C’était super : en l’espace d’1h30 ils avaient redéfini l’entreprise. Humainement, quelque chose de fort était en train de se passer.
Pourtant, ils se sont cassés la figure assez rapidement.
Ils ont mis en place seulement deux points du triptyque de l’engagement (supprimer les signes de pouvoir et donner les moyens aux employés), mais il en manquait un. Sans avoir créé d’environnement nourricier, sans avoir formé les gens, ils n’ont pas réussi leurs premières missions. Ils ne sont pas à blâmer, ils n’étaient pas équipés pour.
Au moment de la libération, on passe d’un structure où aucune information n’est accessible à une structure où tout est accessible. C’est difficile à gérer pour beaucoup, il faut de l’accompagnement et du coaching.
Finalement, ce changement est un changement de différents types de logiques.
En poussant un peu plus, au moment du saut en parachute ils ont constaté 4 types de comportements :
Ils se sont plantés ? Tant pis.
En France, on aime pas l’erreur. C’est très culturel. On peut prendre l’exemple des dictées à l’école, où chaque mot érronnée est entouré d’un rouge accusateur. On ne parle pas de tous les autres mots qui sont justes. On ne voit que l’erreur, et il ne faut pas se tromper, c’est mal.
On pénalise donc l’erreur au lieu de la valoriser.
Pourtant, ne pas avoir peur de l’erreur est essentiel dans une entreprise.
Quand on se plante, c’est qu’on a osé. Si on tape sur les doigts de quelqu’un qui se plante, il se plantera une fois ou deux mais pas 50. C’est un problème ! L’employé va finir par ne plus oser. Et si on n’ose pas, l’entreprise ne se développera pas.
Cet article contient de nombreux mots clés mais ne donne pas vraiment de clés à mettre en oeuvre directement. En fait, on retrouve de nombreux ingrédients des recettes de Zobrist et de « Liberté et compagnie » dans de nombreuses entreprises libérées. Les détails concrets de leur implémentation sont à voir au cas par cas.
Un des éléments à garder à l’esprit, c’est de ne pas négliger l’importance de responsabiliser les employés, pas juste créer un contexte dans lequel ils sont libres.
La liberté sans la responsabilité, c’est l’anarchie. Au contraire, la liberté avec la responsabilité entraîne le bonheur et la performance.
Il ne faut pas remplacer le contrôle par l’absence de contrôle, mais remplacer les outils contrôlant et structurants par d’autres outils. L’autoévaluation est l’un d’entre eux.
Et quel que soient les processus que l’on crée, ne pas négliger de les remettre en cause régulièrement.